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BRUXELLES
(Reuters) – D’après quatre hauts diplomates, l’OTAN a l’intention de
reconnaître cette année l’espace comme domaine à part entière (NDT : au même
titre que la terre, la mer, l’air et le cyberespace), en particulier pour
montrer au président américain Donald Trump que l’alliance est pertinente et
s’adapte aux nouvelles menaces, alors que Trump vient d’approuver la création
d’une Force spatiale américaine.
PHOTO
: Des salariés discutent sur la chaîne de production du module de service
européen (ESM) d’Airbus, livré pour le vaisseau spatial Orion de la NASA, à
l’usine Airbus de Brême, en Allemagne. Cliché réalisé le 19 février 2019.
REUTERS/Fabian Bimmer/fichier photo.
La
décision, qui doit être prise lors du sommet des dirigeants à Londres les 3 et
4 décembre [2019], auquel Trump doit participer, reconnaîtrait officiellement
que des batailles peuvent être engagées non seulement sur terre, dans les airs,
en mer et sur des réseaux informatiques, mais aussi dans l’espace.
« Il y a un accord tacite sur le fait
que nous devions définir l’espace comme un domaine, et le sommet de Londres est
le meilleur endroit pour le rendre officiel » a déclaré un haut diplomate de
l’OTAN impliqué dans les discussions, tout en rappelant prudemment que le
travail technique et politique était encore en cours.
Les diplomates de l’OTAN nient que
l’alliance soit sur le pied de guerre dans l’espace, mais affirment qu’ériger
celui-ci au rang de domaine opérationnel ouvrirait un débat sur l’utilisation
par l’Alliance d’armes spatiales capables de détruire les missiles et les
défenses aériennes ennemis, ou encore les satellites.
D’après les diplomates, la décision
de déclarer l’espace comme nouvelle frontière pour la défense pourrait aider à
convaincre Trump que l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord peut être un
allié utile pour dissuader la Chine de s’élever au rang de puissance militaire
rivale.
Alors que les pays de l’OTAN
possèdent aujourd’hui 65 % des satellites, la Chine envisage des constellations
massives de satellites commerciaux pouvant offrir des services allant de l’Internet
à haut débit pour les avions au suivi des missiles et des forces armées sur le
terrain.
La Chine est en train de mettre au
point des armes utilisables en orbite et est devenue l’année dernière le
premier pays à atterrir sur la face cachée de la Lune.
Autrefois partenaire stratégique de
l’OTAN, la Russie, aujourd’hui considérée par de nombreux alliés comme une
puissance hostile, est aussi une force spatiale et l’un des rares pays en
capacité de mettre des satellites en orbite.
« La guerre peut avoir lieu
exclusivement dans l’espace, mais celui qui contrôle l’espace contrôle aussi ce
qui se passe sur terre, sur mer et dans les airs », a déclaré Jamie Shea,
ancien responsable de l’OTAN et actuellement analyste dans le groupe de
réflexion Friends of Europe à Bruxelles.
«
Si vous ne contrôlez pas l’espace, vous ne contrôlez pas les autres domaines non
plus. »
Les
ministres de la défense de l’OTAN devraient se mettre d’accord la semaine
prochaine sur une politique spatiale élargie, à l’occasion d’une réunion de
routine à Bruxelles, même si à ce stade la décision n’a pas encore été prise de
déclarer l’espace comme domaine opérationnel de défense.
Un
deuxième diplomate a déclaré que, bien qu’il s’agisse d’une décision lourde de
conséquences, il s’agirait vraisemblablement d’un « cadeau à Trump ».
Trump
– qui a mis à profit le dernier sommet de l’OTAN, en juillet de l’année
dernière, pour sermonner ses alliés européens quant aux dépenses militaires et
pour accuser l’Allemagne d’être otage de l’énergie russe – a signé en février
un plan pour commencer à mettre sur pied la Force spatiale américaine.
Bien
que la réunion de Londres n’ait lieu que dans six mois, les alliés européens
s’inquiètent déjà de savoir si Trump en profitera pour remettre en question
l’utilité de l’alliance, dont il est, de facto, le chef.
QU’EST-CE
QUI DÉCLENCHE L’ARTICLE 5 ?
L’armée
américaine dépend de plus en plus des satellites pour déterminer ce qu’elle
fait au sol, guidant depuis l’espace ses munitions à l’aide de lasers et de
satellites et profitant de tels atouts pour surveiller les tirs de missiles ou
suivre ses forces.
Les
satellites, dont les trajectoires étaient auparavant limitées à leur orbite,
peuvent désormais être manœuvrés dans l’espace pour espionner d’autres
équipements spatiaux. L’Inde a réalisé un essai de missile antisatellite en
mars.
L’Italie,
la Grande-Bretagne et la France sont les principales puissances spatiales en
Europe, tandis que l’Allemagne élabore de nouvelles lois et recherche des
investissements privés pour s’assurer une part d’un marché spatial émergent qui
pourrait atteindre un milliard de dollars par an d’ici 2040.
La
France souhaite avoir davantage d’assurances sur l’utilisation de ses propres
moyens spatiaux en cas de crise. Dans d’autres zones de guerre, les moyens
nationaux appartenant aux alliés de l’OTAN sont placés sous le commandement du
commandant suprême allié pendant un conflit.
Le
plus délicat serait de décider si une attaque contre un satellite allié
constitue une attaque contre l’alliance et s’il faut déclencher la clause de
défense collective de l’article 5 de l’OTAN.
À
l’instar de la décision de faire du cyberespace un domaine de guerre en 2016,
la décision de l’OTAN impliquerait dans un premier temps une planification
militaire accrue, un passage en revue des faiblesses de l’OTAN et l’examen
minutieux des conditions de sécurisation des satellites commerciaux utilisés
par les armées.
Reportage de Robin Emmott complété
par Sabine Siebold ; montage de Catherine Evans
Source : Reuters, Robin
Emmott, 21-06-2019
Traduit par les lecteurs du
site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité,
en citant la source.
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