par Valentin
Vasilescu
Le président Donald
Trump a réagi à la mise au point du missile nucléaire hypersonique russe
Avangard en annonçant le retrait de son pays du traité INF. À défaut de
récupérer rapidement son retard en développant des missiles hypersoniques, il
entend reconstituer son arsenal de missiles nucléaires à moyenne portée. Or,
observe Valentin Vasilescu, les États-Unis ne fabriquent plus de moteurs pour
ce type de missiles et utilisent des moteurs russes pour leurs fusées Atlas V.
Par conséquent, dans ce domaine également, Moscou est en avance sur Washington.
RÉSEAU VOLTAIRE | BUCAREST
(ROUMANIE) | 6 NOVEMBRE 2018
En application du traité INF de 1987, l’URSS (puis la Russie) et
les États-Unis ont détruit tous les missiles nucléaires basés au sol ayant une
portée comprise entre 500 et 5 500 km (portée petite, moyenne et
intermédiaire). Les missiles dont la portée est supérieure à 5 500 km
n’entrent pas dans ce traité, ils sont considérés comme balistiques
intercontinentaux (ICBM). En raison de cet accord, les États-Unis n’ont pas construit et n’ont pas
pu placer leurs missiles nucléaires en Europe. Les
principaux bénéficiaires de ce traité sont les pays européens et la Russie.
Le retrait unilatéral des États-Unis du traité INF, annoncé par
Trump, n’affecte apparemment pas les États-Unis, car la distance entre le
continent américain et la partie européenne de la Russie est de plus de
5 500 km. Trump pensait pouvoir tromper Poutine au moins avec ses
boucliers antibalistiques en Roumanie et en Pologne de type VLS MK-41, dérivés
des systèmes existant sur les croiseurs AEGIS de classe Ticonderoga, qui
peuvent lancer des missiles de croisière Tomahawk armés d’ogives nucléaires
miniaturisées W80 de 5-50 kt. Mais les missiles de croisière états-uniens
ont une vitesse 20 fois plus faible que les missiles balistiques russes et
leur empreinte thermique peut encore être repérée par satellite dès leur
lancement.
C’est pourquoi le Pentagone est en ébullition, sachant qu’ils
ont été percés à jour et qu’ils avaient besoin d’urgence de nouveaux types de
missiles balistiques à placer en Europe, près des frontières de la Russie. Le
seul problème que le président Donald Trump n’a pas considéré est que les
États-Unis n’ont plus les moteurs de fusée nécessaires pour construire ces
véhicules. Tant que la NASA recevait des fonds importants, l’armée US disposait
des moteurs de missiles les plus puissants. Mais au cours des 15 dernières
années, la NASA est devenue un fantôme par rapport à cette entité qui avait
envoyé les premiers hommes sur la Lune. Ainsi, sans le vouloir, en laissant les
États-Unis se retirer du traité INF, Trump rend service à Poutine. C’est même
une énorme victoire pour la Russie.
Caractéristiques d’un missile balistique doté d’une ogive nucléaire
pesant 650-1 000 kg (avec la puissance de 1-8 mt) et capable de
frapper une cible à une distance de 1 500 à
2 500 km :
Poids :
18 à 24 t
Longueur :
15 à 20 m
Diamètre :
1,5 à 1,8 m
Le missile
comporte 1-2 étages
Vitesse :
de 4,5 km/s
Altitude :
de 600 à 900 km.
Ses moteurs doivent développer une
poussée d’au moins 75 000 à 100 000 kgf. Les missiles utilisés
dans les boucliers antibalistiques US GBMD, SM-3 (1b, 2) et THAAD ont une
propulsion beaucoup trop faible et sont inutiles.
À cause de la
diminution du budget alloué à la NASA, une grande partie des spécialistes des
sections subordonnées aux départements spéciaux de Lockheed Martin et de Boeing
se sont associés sous le nom de « United Launch Alliance » (ULA).
Cette compagnie achète des moteurs de fusées, assemble des composantes des
fusées tout en créant de nouveaux véhicules spatiaux qu’elle lance ensuite pour
l’usage du Pentagone et de la NASA.
ULA assemble ainsi la
plus puissante fusée états-unienne lourde (Atlas V) en service, la seule
capable de placer dans l’espace la navette spatiale militaire automatique X-37B
et des satellites militaires sur des orbites géostationnaires. Atlas V utilise
au lancement 2 boosters avec des moteurs russes RD-180, le premier étage de la
fusée disposant, lui aussi, d’un moteur russe RD-180, produits par NPO
Energomash.
La seule capsule US qui
a prouvé qu’elle pouvait atteindre la Station spatiale internationale était
l’espace X du Dragon. Elle a été lancée par la fusée
légère à 2 étages Falcon 9. Son premier étage est composé de neuf moteur Merlin 1C, ayant
chacun une poussée de 56 696 kgf. Son 2ème étage comprend un seul
moteur Merlin. Falcon 9 n’est rien de plus que le recyclage des reliques
de la Guerre froide. Le moteur Merlin 1C est une
variante du célèbre moteur RS-27, produit par la société Rocketdyne à
partir de 1974 pour les anciennes fusées Delta 2000 de McDonnell Douglas,
abandonnées par la NASA. Plusieurs moteurs Merlin 1C peuvent être utilisés
pour construire de nouveaux missiles nucléaires avec des missiles de courte et
moyenne portée.
Taurus I et Minotaure I sont les nouvelles fusées phares de 3 ou
4 étages, fournies à la NASA par Orbital Sciences Corp. (OSC) qui peuvent
satelliser un objet cosmique de 580 à 1 500 kg en utilisant les
étages SR19 et M55A1 provenant des missiles balistiques intercontinentaux US à
combustibles solides LGM-118A MX-Peacekeeper et LGM-30F Minuteman II. La
fusée Minotaure I est constituée du premier et deuxième étage de la fusée
balistique intercontinentale Minuteman II (développant tous les deux
120 000 kgf ).
Dans la période 2010-2013, Orbital Sciences Corp a remplacé les
deux premiers étages de la fusée Minotaure I avec moteur NK-33
(140 000 kfg). Les moteurs NK-33, livrés par la société russe
Energomaș sont supérieurs à ceux des États-Unis.
En raison des sanctions imposées à la Russie par les États-Unis, au début de
2014, le transfert de technologie russe de Energomaș s’est
interrompu.
La compagnie Aerojet, en collaboration avec le bureau d’étude de
Youzhnoye à Dnipropetrovsk-Ukraine a commencé à produire des moteurs mal copiés
sur le NK-33, sous le nom de AJ-26-58/62. Ces moteurs utilisent un schéma
différent de turbopompe à haute pression nécessaire pour l’alimentation
continue en carburant et comburant. La fusée Antares transportant le cargo
états-unien Cygnus avec l’approvisionnement pour la station spatiale
internationale (ISS) a explosé 6 secondes après le lancement à la suite
d’un défaut de conception du moteur AJ-26.
Une fusée similaire, avec l’étage US SR19 (utilisé par
Taurus I et Minotaure I), se compose du système fixe GBMD
(Ground-Based Midcourse Defense) assemblé par Orbital Sciences Corp. GBMD
(35 000 kgf) appartient à l’agence de défense antibalistique du
Pentagone qui opère dans les bases de Fort Greely (Alaska) et de Vandenberg (en
Californie). Ceci montre que la focalisation excessive des États-uniens sur la
création du bouclier antimissile fait que les coupes budgétaires ont un impact
sur le financement de la conception de nouveaux moteurs de fusée de forte
puissance, obligeant l’utilisation de missiles lourds par la NASA.
Voyons comment se situe la Russie sur le chapitre des moteurs de
fusée qui pourraient être utilisés pour les missiles nucléaires à moyenne
portée et de portée intermédiaire.
La famille Angara comprend la fusée légère Angara 1.1 qui a
une capacité de satellisation sur orbite basse de 2 t, la fusée moyenne
Angara A3 qui peut placer sur l’orbite basse de la Terre 14,6 t. La
famille Angara comprend aussi la fusée lourde Angara A5 ainsi que la fusée
super-lourde Angara A7 dans laquelle les moteurs RD-191 sont remplacées
par des RD-193, plus puissants, permettant le placement de 35 t sur une
orbite basse. La fusée la plus puissante de la famille est Angara-100 capable
de satelliser 100 t sur une orbite basse. La première composante de la
fusée Angara-A5, développe une traction de presque
1 000 000 kgf, étant formée de quatre boosters aux moteurs
RD-191, montés autour d’un segment central, disposé à son tour d’un moteur
RD-191. Le moteur RD-191 a la possibilité de modifier pendant le vol la
traction maximale de 200 000 kgf (100 à 30 %).
La conclusion est que la Russie peut utiliser un seul moteur
RD-191 de la fusée Angara, et ainsi construire et rendre opérationnel en 6-8
mois un nouveau missile balistique nucléaire avec une portée allant jusqu’à
5 000 km, ce qui, pour les États-Unis, est catastrophique. La Roumanie et la Pologne sont dans une
situation bien plus regrettable, car c’est sur leur territoire qu’ont été
placés les boucliers antibalistiques US. Si jusqu’à
présent, le temps disponible pour corriger une erreur de lancement accidentel
d’un ICBM était de 20 à 25 minutes (le temps parcouru par un ICBM de Russie au
continent américain), maintenant ce temps se réduit à seulement 4 minutes (la
distance Russie-Pologne ou la Russie-Roumanie est d’environ
1 000 km). Dorénavant la Roumanie et la Pologne sont devenus la cible
des ogives de 8 Mt des missiles balistiques russes, des ogives que ne
pourront pas neutraliser les boucliers US, et qui ont une capacité de
destruction énorme pour la population et les infrastructures.
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