« L’ART DE LA GUERRE »
30 milliards pour le secteur militaire italien dans le Recovery Fund
par Manlio Dinucci
L’Union européenne a créé un organe, le Recovery Fund,
afin d’intensifier les investissements publics et les réformes au lendemain de
la crise de la COVID-19. Les opinions publiques ont cru qu’il devait financer
les secteurs économiques et sociaux les plus touchés. Il
n’en est rien. Ainsi, en Italie, un sixième de cette somme —30 milliards
d’euros sur 209— sera utilisé par l’industrie de défense, comme cela avait été
promis auparavant à l’Otan.
RÉSEAU
VOLTAIRE | ROME (ITALIE) | 13 OCTOBRE 2020
Selon
les traités, l’Otan assure la sécurité de l’Union européenne. Cela implique que
l’Union adopte les normes fixées par l’Otan, qu’elle entreprenne les travaux
nécessaires au transport des troupes et qu’elle finance l’Alliance.
Alors
que la « crise du Coronavirus » continue à provoquer en Italie aussi
des conséquences socio-économiques dévastatrices, une part importante du Fonds
de Relance (Recovery Fund) est destinée non pas aux secteurs économiques et
sociaux les plus touchés, mais aux secteurs les plus avancés de l’industrie de
guerre.
Sur
la base du Fonds de Relance, l’Italie devrait recevoir dans les six prochaines
années 209 milliards d’euros, dont environ 81 en subventions et 128 en prêts à
rembourser avec les intérêts. Dans l’attente, les ministères italiens de la
Défense et du Développement économique ont présenté une liste de projets de
caractère militaire pour un montant d’environ 30 milliards d’euros [1].
Les projets du ministère de la Défense prévoient de dépenser 5 milliards
d’euros du Fonds de Relance pour des applications militaires dans les secteurs
cybernétique, des communications, de l’espace et de l’intelligence
artificielle. Les projets relatifs
à l’utilisation militaire de la 5G sont importants, notamment dans l’espace
avec une constellation de 36 satellites et autres.
Les projets du ministère du Développement économique,
relatifs surtout au secteur militaire aérospatial, prévoient une dépense de
25 milliards d’euros du Fonds de Relance. Le ministère entend investir
dans un chasseur de sixième génération (après le F-35 de cinquième génération),
le Tempest, défini comme « l’avion de l’avenir ». D’autres
investissements concernent la production d’hélicoptères/convertibles militaires
de nouvelle génération, en capacité de décoller et atterrir verticalement et de
voler à grande vitesse. On investira en même temps dans des drones et des
unités navales de nouvelle génération, et dans des technologies sous-marines
avancées.
De gros investissements sont aussi prévus dans le
secteur des technologies spatiales et satellites. Plusieurs
de ces technologies, parmi lesquelles les systèmes de communication en 5G,
seront à double emploi militaire et civil. Comme certains projets à caractère
militaire présentés par les deux dicastères se superposent, le ministère du
Développement économique a rédigé une nouvelle liste qui permettrait de réduire
sa propre dépense à 12,5 milliards d’euros.
Il
n’en demeure pas moins qu’on est en train de programmer de dépenser à des fins
militaires entre 17,5 et 30 milliards d’euros tirés du Fonds de Relance,
qui devront être remboursés avec les intérêts. Outre ceux-ci plus de
35 milliards seront alloués à des fins militaires par les gouvernements
italiens pour la période 2017-2034, en grande partie dans le budget du
ministère du Développement économique. Ils s’ajoutent au budget du ministère de
la Défense, portant ainsi la dépense militaire italienne à plus de
26 milliards annuels, équivalents à une moyenne de plus de
70 millions d’euros par jour, en argent public soustrait aux dépenses
sociales. Chiffre que l’Italie s’est engagée devant l’Otan à augmenter à une
moyenne d’environ 100 millions d’euros par jour, comme le réclament les
États-Unis. L’allocation, à cette fin, d’une importante part du Fonds de
Relance permettra à l’Italie d’atteindre ce niveau.
Au
premier rang, parmi les industries de guerre qui font pression sur le
gouvernement pour qu’il augmente la tranche militaire du Recovery Fund, on
trouve la société Leonardo, dont le ministère du Développement économique
possède 30 % de l’actionnariat. Leonardo est intégrée dans le gigantesque
complexe militaro-industriel états-unien chapeauté par Lockheed Martin,
constructrice du F-35 à la production duquel participe cette même Leonardo avec
son site de Cameri. Leonardo s’auto-définit comme « protagoniste global en
Aérospatial, Défense et Sécurité », avec la mission de « protéger les
citoyens ». Elle montre comment elle conçoit de le faire en utilisant son
influence et son pouvoir pour retirer aux citoyens des ressources vitales du
Fonds de Relance, pour une accélération ultérieure dans la
« relance » de l’industrie guerrière.
Ressources
qui seront toujours payées par nous, augmentées des intérêts. Nous paierons
ainsi « l’avion de l’avenir », qui nous protègera en nous assurant un
avenir de guerre.
Traduction
Marie-Ange
Patrizio
Source
Il Manifesto (Italie)
[1]
« Fondi
anche per la Difesa dal Recovery Fund », Giovanni Martinelli, Analisi
Difesa, 25 settembre 2020.
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