L’art de la guerre
Le “grand jeu” des bases en Afrique
Manlio Dinucci
Dans l’exercice Barracuda 2018, qui s’est déroulé ici en novembre dernier, les tireurs choisis des Forces spéciales (dont le commandement est à Pise) se sont entraînés, en toutes sortes de conditions environnementales y compris de nuit, avec les fusils de précision les plus sophistiqués pouvant centrer l’objectif à 1-2 km de distance. On ne sait pas à quelles opérations participent les Forces spéciales, puisque leurs missions sont secrètes ; il est en tous cas certain qu’elles se déroulent essentiellement dans un cadre multinational sous commandement USA.
À Djibouti se trouve Camp Lemonnier, la grande base étasunienne d’où opère depuis 2001 la Task Force conjointe-Corne d’Afrique, composée de 4000 spécialistes en missions hautement secrètes, dont les assassinats ciblés par des commandos ou des drones tueurs notamment au Yemen et en Somalie. Tandis que les avions et les hélicoptères pour les opérations spéciales décollent de Camp Lemonnier, les drones ont été concentrés à l’aéroport Chabelley, à une dizaine de kilomètres de la capitale. On est en train de réaliser là d’autres hangars, dont la construction a été confiée par le Pentagone à une entreprise de Catane déjà employée dans des travaux à Sigonella, principale base des drones USA/Otan pour les opérations en Afrique et Moyen-Orient. À Djibouti se trouvent aussi une base japonaise et une française, qui accueille des troupes allemandes et espagnoles. S’y est ajoutée en 2017 une base militaire chinoise, la seule hors de son territoire national. Bien qu’ayant un objectif logistique fondamental, comme hébergement des équipages des navires militaires qui escortent les navires marchands et comme entrepôt pour les approvisionnements, elle représente un signal significatif de la présence chinoise croissante en Afrique.
Présence essentiellement économique, à laquelle les États-Unis et les autres puissances occidentales opposent une présence militaire croissante. D’où l’intensification des opérations menées par le Commandement Africa, qui a en Italie deux importants commandements subordonnés : le U.S; Army Africa (Armée USA pour l’Afrique), à la caserne Ederle de Vicence ; les U.S. Naval Forces Europe-Africa (Forces navales USA pour l’Europe et l’Afrique), dont le quartier général est dans la base de Capodichino à Naples, formées des navires de guerre de la Sixième Flotte basée à Gaeta.
Dans le même cadre stratégique se trouve une autre base USA de drones armés, qui est en construction à Agadez au Niger, où le Pentagone utilise déjà pour les drones la base aérienne 101 à Niamey. Celle-ci sert aux opérations militaires que les USA mènent depuis des années, avec la France, au Sahel, surtout au Mali, Niger et Tchad. Dans ces deux derniers pays arrive demain le président du Conseil Conte. Ces pays sont parmi les plus pauvres du monde, mais très riches en matières premières -coltan, uranium, or, pétrole et nombreuses autres- exploitées par des multinationales étasuniennes et françaises, qui redoutent de plus en plus la concurrence des sociétés chinoises, lesquelles offrent aux pays africains des conditions beaucoup plus favorables.
La tentative d’arrêter avec des moyens militaires, en Afrique et ailleurs, l’avancée économique chinoise est en train d’échouer. Probablement même les machines à coudre, données à Djibouti par les militaires italiens pour les réfugiés, sont-elles “made in China”.
Édition de mardi 15 janvier 2019 de il manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
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