par Valentin Vasilescu
Valentin Vasilescu analyse le dispositif
de défense anti-aérienne saoudien. Après avoir observé l’impossibilité d’une
attaque venant d’Iran non-détectée par les États-Unis, il explique comment une
attaque venant du Yémen a pu frapper ses cibles sans être repérée par Riyad.
RÉSEAU VOLTAIRE | BUCAREST
(ROUMANIE) | 24 SEPTEMBRE 2019
Système de défense anti-aérienne saoudien.
L’attaque de drones par les rebelles
houthis contre les installations pétrolières saoudiennes visait à ouvrir une
période de changements dramatiques dans la péninsule arabique. Bien que
l’attaque ait commencé au Yémen et ait bénéficié d’un certain soutien de
l’Iran, ceux qui ont pris la décision de la préparer, de la faciliter et de la
mener à bien se trouvent ailleurs. Le but poursuivi est très clair et pour sa
réalisation, j’ai la ferme conviction qu’il y aura d’autres attaques aux effets
bien plus spectaculaires pour l’économie de l’Arabie Saoudite et les sultanats
riches en pétrole de la région du Golfe. D’autant plus que les armes plus
sophistiquées achetées par ces États et les forces militaires américaines
déployées dans la région sont incapables d’empêcher ces attaques.
Depuis 1996, l’Arabie Saoudite possède le
système de défense anti-aérien (AA) automatisé le plus moderne au monde (Peace
Shield), qui est connecté à toutes les catégories de forces armées. Il a
été créé par les États-Unis pour un coût de 5,6 milliards de dollars Uet
est constamment mis à niveau. Il intègre des radars militaires, tous les
systèmes de missiles anti-aériens et des avions d’alerte AWACS ou des navires
de guerre militaires. « Peace Sheild » a un centre de commandement
national et est divisé en cinq secteurs sur le territoire de l’Arabie Saoudite
(nord, sud, est, ouest et la capitale du pays).
La
détection des cibles aériennes dans l’espace saoudien est assurée par
17 radars états-uniens fixes AN/FPS-117 et 6 radars mobiles AN/TPS-43.
En outre, l’Arabie Saoudite exploite également 5 appareils E-3A et
2 SAAB-2000 (AWACS). La défense anti-aérienne saoudienne est assurée par
10 batteries de missiles de moyenne portée MIM-23 HAWK,
5 batteries de missiles de grande portée, MIM-114 Patriot, et
plusieurs dizaines de batteries de missiles à courte portée
Shahine (Crotale), ainsi que l’artillerie classique anti-aérienne.
Le site d’Abqaiq avant les attaques.
Le site
d’Abqaiq après les attaques.
Les
rebelles houthistes ont lancé sur l’Arabie Saoudite, une attaque avec
20 drones et au moins un missile de croisière en provenance du Yémen.
Pour les non-initiés, le missile de croisière est aussi un drone à moteur
réactif. Les cibles sont la raffinerie d’Abqaiq et l’installation pétrolière de
Khurais, toutes deux appartenant à Aramco. Le résultat est l’incendie et
l’interruption de l’approvisionnement en gaz et en pétrole pour une période
indéterminée.
Les médias occidentaux affirment que les
États-Unis ont retrouvé le site de lancement de drones et qu’il est situé dans
le sud de l’Iran. C’est impossible, car les États-Unis ont une chaîne d’alerte
qui surveille la côte iranienne 24 heures sur 24, du Koweït aux
Émirats arabes unis, à laq00elle participe également la la 5ème flotte
états-unienne, dont le port d’attache est à Bahreïn.
Le plus
extraordinaire, c’est que les appareils de combat du Yémen aient eu une
précision maximale sur les cibles choisies, bien qu’ils aient volé en zigzag
sur plus de 800 km en contournant les zones de détection. Le planificateur
des opérations connaissait parfaitement les éléments clés des installations
pétrolières saoudiennes, sélectionnant pour chacun le nombre minimal de moyens
de frappe. Conformément au
principe « d’économie de forces et de moyens » de la science
militaire. La probabilité de percer la défense anti-aérienne saoudienne a été
totale, car les drones n’ont été détectés par aucun radar.
Après
le 11 septembre 2001, le président du Yémen, Abdullah Saleh, a déclaré son
soutien à George Bush dans la guerre contre le terrorisme. Les États-Unis ont
offert au Yémen un soutien militaire généreux. Ils ont principalement formé les
forces aériennes yéménites dans leurs écoles militaires, leur ont livré des
munitions et des techniques de combat. Le Yémen a reçu 8 avions de
transport (dont 2 C-130 Hercules) et 14 avions de
combat F-5E. En outre, il a reçu 26 hélicoptères de combat (dont le
UH-1H). Par conséquent,
l’armée yéménite n’est pas aussi « pieds nus » que la presse
occidentale l’a présentée.
Le 7 juillet, en présence du ministre de
la Défense, le major général Mohammed Nasser, les rebelles houthis ont dévoilé
les nouveaux systèmes d’armes fabriqués localement. Il s’agissait notamment du
missile de croisière Quds-1, du missile balistique tactique Badir-F et des
drones propulsés par les moteurs à piston Samad-1, Samad-3 et Qasef-2K. La
photo montre la fixation d’un réservoir comme une bosse, pour augmenter la
portée.
On sait que certains drones utilisent des
moteurs de petites voitures ou de motos de petite cylindrée, de 250 à
1 000 centimètres cubes, fabriqués en Europe, comme le drone yéménite
Samad-3. Une partie des missiles de croisière utilisent un petit moteur à
réaction (APU) utilisé par les avions de transport et les hélicoptères pour la
production d’énergie lorsque les moteurs sont à l’arrêt, ou pour démarrer des
moteurs en l’absence d’une source de démarrage dont sont équipés les
aérodromes. Les Yéménites ont des hélicoptères US et ont peut-être monté
leur APU sur la première série de missiles de croisière. Comme l’ont fait de
nombreux États, qui ont créé des drones-cibles pour vérifier l’efficacité de
leurs systèmes anti-aérien. Cependant, les rebelles houthis ont un nombre
impressionnant de tels moteurs, fabriqués en France, en Italie, en Allemagne,
au Japon, etc. Le lancement et l’accélération des drones et des missiles de
croisière se font avec un moteur de fusée à carburant solide. Le moteur APU
pour le vol pèse 20 kg, a une consommation spécifique de 0,7 à
3,12 l/min et une vitesse de 650 à 800 km/h. Avec un réservoir de 250
à 300 l, le missile de croisière peut frapper les raffineries saoudiennes.
Il n’y a aucune restriction sur la commercialisation de ces deux types de
moteurs.
Pour
mieux comprendre la situation, je vais d’abord traduire le concept de défense
contre les drones et les missiles de croisière dans un langage commun. La vulnérabilité des cibles réside dans la
faible distance de détection de ces moyens offensifs, par radar, se situant en
dessous de 30-40 km. En raison de leur petite taille, de leurs matériaux
non métalliques et de leur profil de vol situé à environ 10 m au-dessus du
sol, leur empreinte radar est difficilement observable. La distance de 30 à
40 km diminue davantage en fonction de la hauteur de l’antenne et du secteur
du cercle couvert par l’antenne. Par exemple, le radar de missile Patriot a un
secteur de 120°, sur les 360°.
Les radars des satellites militaires de
recherche ne sont pas en mesure de détecter les missiles de croisière ou les
drones. Dans ces cas, la défense anti-aérienne d’une zone étendue à l’ensemble
du territoire national n’est pas efficace car elle nécessite des forces
considérables. C’est pourquoi la défense d’objectifs importants est
organisée, sur les directions d’accès les plus probables.
La
probabilité de détection augmente avec la coopération entre le réseau radar
terrestre et ceux embarqués sur des aéronefs distants AWACS (Airborne Early
Warning and Control) disposant d’une zone de détection plus étendue.
L’Arabie saoudite, lors de l’approche des drones sur ses cibles, un Saab-2000
immatriculé 6002 avec l’indicatif radio BAHAR 46, embarquant un radar de type
AEW, aurait pu les détecter. Seulement, l’AWACS a été envoyé en patrouille du
côté opposé, à la frontière irakienne. Pour
la détection d’appareils volant à basse altitude, la défense directe d’un petit
objectif peut utiliser des plates-formes radar de type dirigeables ou ballons
ancrés au sol.
Si des drones ou des missiles de croisière
sont détectés assez tôt et que des avions de combat se trouvent dans la zone de
service aérien à proximité de la cible, ils sont interceptés par des missiles
air-air, à l’aide de capteurs infrarouges ou de radars embarqués. Sinon, cette
tâche revient à la défense anti-aérienne qui utilise des missiles à longue,
moyenne, courte ou très courte portée et des systèmes d’artillerie de petit
calibre CIWS (Kashtan , Goalkeeper, Meroka, Oerlikon Millenium, etc.). Dans le
cas des raffineries, il est à noter que les missiles anti-aériens à courte et
très courte portée, guidés par un faisceau thermique, sont automatiquement
dirigés vers la flamme des gaz de combustion, et non vers la cible aérienne.
En supposant que les radars découvrent la
cible aérienne entre 20 et 25 km avant la frappe, le délai avant l’impact
sur la cible est de 100 à 110 secondes. Nous soustrayons de cela un temps
passif de 10 à 30 secondes nécessaire pour préparer le lancement de
missiles anti-aériens à longue, moyenne et courte portée. Si la première salve
de missile n’a pas détruit la cible, le deuxième lancement de missile, composé
de missiles à très courte portée, est effectué dans un rayon de 7 à 9 km.
Lorsque la distance de détection est très faible et que le temps d’impact est
supérieur à 65 secondes, tous les types de missiles anti-aériens sont
lancés simultanément. Le dernier recours est représenté par les systèmes
d’artillerie du CIWS (canons rotatifs à 6 tubes de 20 à 35 mm), d’une
vitesse pouvant atteindre 8 000 projectiles/minute, d’une portée de
3 km et d’une efficacité maximale d’environ 500 m. Si nous faisons
face à des attaques par plusieurs vagues, à des intervalles très rapprochés,
utilisant de nombreux drones et missiles de croisière, dans différentes
directions, à mesure que les Yéménites progressent, les canaux de service de la
défense sont saturés et le système se bloque.
Les attaques préventives constituent la
méthode la plus efficace pour lutter contre les drones et les missiles de
croisière. Leurs lanceurs, leurs entrepôts de composants et leurs hangars
d’assemblage sont ciblés. Tout dépend de l’exactitude des informations
recueillies par les services de renseignement militaire.
Les États-uniens ont commencé à analyser
méthodiquement l’attaque de drones yéménites contre ces installations pétrolières,
d’autant plus que leurs systèmes anti-aériens les plus performants étaient
impliqués. Le rapport est secret mais l’Institut d’études internationales
Middleburry de Monterey a publié plusieurs photos satellites déclassifiées du
système de défense de la raffinerie d’Abqaiq, avant l’attaque. En ce qui
concerne la raffinerie d’Abqaiq qui a été touchée par des drones yéménites, le
dispositif de défense directe a été installé par les États-Unis (photo
ci-dessus). Dans un rayon de 10 km autour de la raffinerie,
ont été placées 2 batteries de grande portée Patriot PAC-2/3,
une batterie de missiles à courte portée Shahine-Crotale et
3 sections d’artillerie avec radar de type Oerlikon et caméras Skyguard.
Le
centre de gestion des tirs pour les systèmes d’artillerie anti-aériens
saoudiens est basé sur l’équipement radar Skyguard, d’une portée de 20 km,
pour les cibles évoluant à plus de 5 000—m, et de 5 km pour les
cibles volant à moins de 500 m. Une pièce Oerlikon dispose d’un canon avec
deux tubes de calibre 35 mm, avec une vitesse de 550 à
1 000 projectiles/minute. Une section d’artillerie qui défend une
direction d’entrée, est composée de 3-4 pièces Oerlikon.
Sur une
image satellite d’avril 2019 on note que la batterie Patriot placée au
sud-ouest par la raffinerie d’Abqaiq, a été redéployée par les Saoudiens dans
une autre zone. Sur une autre image satellite, nous voyons le dispositif de
défense anti-aérien de la raffinerie, daté du 14-15 septembre. La deuxième
batterie Patriot, disposée à l’est de la raffinerie est manquante, mais la
première batterie Patriot est revenue dans le dispositif. Comment la batterie
de Patriot fonctionnerait-elle dans le réseau automatisé si son radar ne
détecte pas, et pourquoi les cibles n’ont-elles même pas détecté un radar de
réseau Fps-117 ou 43 ? En outre, on peut constater que deux des trois
positions des sections d’artillerie, respectivement celle du sud-ouest et celle
du sud-est, sont vides (voir photos 14, 15). Autrement dit, ceux qui auraient
dû intervenir dans une attaque venant du Yémen. Ce qui soulève de grandes questions sur la santé mentale du
dirigeant du secteur (ADOC) qui a ordonné ce redéploiement.
Si la station radar de la batterie de
Shahine-Crotale et celle de la section d’artillerie anti-aérienne du nord
avaient fonctionné et détecté les cibles, les Saoudiens avaient moins d’une
minute pour réagir. Pour les missiles Shahine-Crotale, le temps de préparation
était insuffisant pour ouvrir le feu. Les drones yéménites volaient à une
hauteur de 5 à 10 m en provenance du sud et la section d’artillerie du
nord de la raffinerie a été la seule à leur tirer dessus, entre les colonnes
des infrastructures, une partie des projectiles tombant dans la raffinerie.
Cela explique le fait que, bien que les Yéménites aient utilisé 18 +
1 appareils d’attaque pour les deux cibles saoudiennes, ce n’est que dans
la raffinerie d’Abqaiq qu’il y a eu 27 foyers d’incendie.
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